Parfois, je me demande vraiment où j’ai la tête. Voilà, j’ai dû oublier ma fichue cervelle quelque part. Mais je suis folle, folle dingue ! Bordel, mais qu’est-ce qui m’a pris. Je devrais aller m’inscrire dans un centre psychiatrique, me faire enfermer. Mais bon, comme je n’aurais sans doute aucuns visiteurs, il me serait impossible de manger de bons puddings, ou du chocolat.. À moins qu’on en reçoit, là-bas ? J’en doute fort. Mais ça n’empêche rien, je suis une folle. Voilà que l’envie de sortir m’est venue, d’un coup. Devrais-je dire l’envie de courir, plutôt ? Ah, j’ai l’impression que je vais exploser. J’ai envie de courir en rond pendant des heures. Je crève de chaud, alors qu’il ne fait franchement pas beau dans ce patelin de mes deux. C’est vrai quoi, j’aurais pu aller vivre en Arizona, en Afrique, en Egypte.. Enfin, là où il y a du soleil. Mais non, je suis venue vivre ici, dans une petite ville inconnue de tous où il fait un temps de chien. D’ailleurs, en parlant de chien, je me demande si je dois porter un collier à puce.

Oui, je sais, d’accord, c’est un peu exagéré, je ne suis pas couverte de poils. Enfin, pas dans cette forme-ci. La simple idée de me transformer une nouvelle fois en gigantesque loup me donne la chair de poule. Et dire qu’à une époque, j’ai adoré ces créatures. Toujours, d’ailleurs. Mais depuis que j’en suis devenue une moi-même, de la taille d’un mammouth, je suis descendu de mon nuage. Et tout cela à cause d’un petit idiot. Je crois que je vais finir par me gifler. Je ne sais pas pourquoi, j’ai envie de me fouttre une tarte. Et alors j’ose dire que je vais bien.

Me voilà donc, dans cette immense forêt. Il y a des arbres autour de moi qui sont plus grand que l’immeuble dans lequel je vis. En fait, il y a des arbres cent fois plus épais que moi. Par moment, on n’y voit presque rien. Oh, pardonnez-moi, je suis supposé ne pas y voir. Franchement, pourquoi moi, pourquoi ? J’ai vraiment dû faire un truc horrible dans ma vie précédente. C’est vrai quoi, pas de parents, pas de famille. Maison d’accueil, service sociaux. Et comme si ma vie n’était déjà pas insupportable, un jour, je me retrouve avec des pattes et des oreilles. C’est injuste. Je m’y suis fait il y a longtemps. Certains naissent avec tout, d’autres avec rien. C’est la vie, on ne peut rien y changer. Et pourtant, me voilà, une bouteille de bière à la main alors que je me retrouve dos contre un arbre. À une dizaine de mètres de moi, une falaise. Je me demande combien de mètres il y a, jusqu’en bas. Je me demande ce qu’il arriverait, si je saute. Je sais que je suis une modificatrice, que je peux me transformer quand je veux en gros loup. Oui, comme si je le voudrais. Intentionnellement, il en est hors de question. Mais si maintenant je me noie, est-ce que ça se ferait automatiquement ? Ou est-ce qu’il y aurait un instinct de survie au fond de moi, pour me sortir de là ? En me posant ses questions, je m’avance vers le bord de la falaise.

Bah, c’est haut. J’aimerais sauter, juste pour le fun. Je ne sais pas si j’ai envie de mourir.. Non, je dois encore pourrir la vie des autres avant. Mais j’ai tellement envie de savoir si j’ai une chance de m’en sortir. J’ai tout été dans ma vie. La silencieuse, la folle, la sadique, la gentille, la méchante, la suicidaire, la meurtrière.. Je n’ai pas peur de mourir. Si je saute et que je meurs, alors tant pis, j’aurais tenté ma chance.

Je crois que c’est le vent qui me changea les idées. Une brise de vent, gelé. J’ai presque l’impression que le vent vient en direct du pôle nord, tellement il est froid. Ah, je ne vais pas rester ici, c’est trop dangereux. Ce serait stupide de tomber de cette falaise à cause du vent. Oui, trop stupide. Le temps de détailler ce qui m’entoure d’un regard et je m’aventure vers un tronc d’arbre. Pauvre arbre, il avait encore l’air jeune en plus. Ce qui ne m’empêche pas de m’asseoir dessus. En regardant mes pieds, je me rends compte que j’ai foutu mes basquettes en l’air. J’aurais dû changer de chaussures, venir en basquettes blanche dans la forêt. Mais quelle idée. Et qu’est-ce que je fiche là, en plus.

C’est bête, les minutes passent, encore et encore. Je finis ma bouteille de bière avant de la regarder. Je pourrais dire que j’ai froid aux mains, mais ce n’est pas le cas. Pourtant, mon pantalon en jean bleu et mon pull noir ne sont pas bien chaud. Le seul avantage à être un gros loup. Je n’ai jamais froid. Je prends un grand bol d’air frais avant de me lever et de jeter ma bouteille, qui finit par s’écraser contre un arbre, plus loin. Avant de partir, j’irais ramasser les bouts de verre. Je ne voudrais pas qu’un animal de la forêt si blesse. Franchement, je me sens vide. Vidé de toute envie, de toute émotion. Je ne sais plus ce que j’ai envie de faire, ni pourquoi. Autant ramasser le verre tout de suite, alors c’est ce que je fais. Je remplis les poches de mon pantalon et de mon pull, autant que je le peux. Pour finir, je garde un grand morceau dans mes mains et je retourne m’asseoir sur l’arbre. Le truc le plus génial depuis que je suis une modificatrice, c’est que j’ai le droit de me couper cent fois la peau, à chaque fois, paf, c’est guéri. Mais même ça, je m’en lasse. Rangeant le morceau dans une poche de mon pull, qui avait une manche ensanglanté, je me couche tout à fait sur le tronc. Le ciel est gris. Ah, j’aimerais qu’il devienne bleu, un beau bleu avec de beaux nuages..

- Ce n'est pas très .. respectueux, de jeter une bouteille d'une telle manière sur cet arbre.

Ça y est, j’entends des voix. Ah, ça ne m’étonne pas. Quand on est folle, on doit l’être jusqu’au bout. Mais quand je regarde autour de moi, je me rends compte que ma folie n’est que réalité. Je devrais hurler, courir en criant bloody murder. Bah oui, quoi, on n’apparaît pas comme ça d’un seul coup sans prévenir. Puis, qu’est-ce qu’elle fiche ici, l’autre. Je me redresse et la regarde. Heureuse que ce soit une femme et non un homme. Si la voix n’avait pas été féminine, j’aurais eu peur avant de devenir furieuse. Et on sait ce qui arrive quand je m’énerve, y a de quoi rester calme. La jeune femme est légèrement plus grande que moi. Elle a également la peau d’un teint plus foncé. Bronzé. Ou elle passe sa vie sous des bancs solaires, ou elle revient d’un pays lointain. Mais j’ai l’impression d’être une intruse. Ah, peut-être parce qu’elle n’est pas humaine. C’est ce qui attire mon attention. Mon cœur se mets à battre plus vite, anticipant le danger et les possibilités. Cela fait quelques mois maintenant que je connais ma réelle nature. Enfin, que j’ai été informé que j’étais une modificatrice, et non un loup-garou qui se transforme toutes les pleines lunes. J’étais heureuse ce jour-là. Entre se transformer en horrible créature ou en loup gigantesque, je connaissais mes préférences. Mais je ne savais rien de plus.

Étais-ce comme avec les vrais loups, allait-elle appeler sa meute et me chasser de ses terres ou essayer de me tuer ? J’oublie qu’on est humain aussi. En quelque sorte. Mais pour l’instant, elle n’a pas l’air de me vouloir du mal. Même si un sourire de serait pas de refus. Je crois que je me sentirais plus à l’aise. Pour le même prix, elle est une tueuse en série. Je regarde trop de films.

« J’ai ramassé les débris. »

Le respect se mérite. C’était une chose que j’avais appris en maison d’accueil. Par la force, d’ailleurs. Et en même temps, je savais que ce pauvre arbre ne m’avait rien fait de mal. Mais il n’y avait pas marqué ‘interdiction de jeter ses bouteilles contre les arbres’ à ce que je sache. Je fixe la jeune femme dans les yeux, une vieille habitude. Je la provoque du regard, tout en me questionnant. Pourquoi est-elle là ? Est-elle comme moi, une vagabonde, une solitaire ? Non, elle vit en meute, j’en suis presque sûre. Ah, ça ne me rassure pas. Et puis, au plus je la regarde, au plus je suis jalouse. Elle a une belle peau, la teinte bronzée que je n’aurais jamais de ma vie. Sauf si un jour les humains inventent une crème pour se bronzer la peau définitivement. Si je passe une heure au soleil, je deviens rouge écarlate. Alors le banc solaire, je crois que je finis rôti. C’est nul et injuste.

« Et vous êtes ? »

Je ne crois pas être chez moi. En fait, si mon instinct ne se trompe pas, elle vit en meute. Donc, ils ont sans doute une espèce de territoire. Où au moins un endroit où courir. Donc, cette forêt. Quoi d’autres. Ils savent difficilement aller en forme de loups dans la ville, tu verrais la tête des humains. J’y ai pensées, pour le fun, dans une salle de cinéma. Mais justement, le hic, c’est que je veux être normale, je veux être humaine. Me transformer en louve m’a sauvé la vie. Alors, je devrais être contente d’être devenue un monstre. La vie aime se moquer de moi. Je me demande si ça la dérange, à cette jeune femme, d’être un gigantesque loup. Quoique, je doute qu’elle soit venue ici à pieds. Et puis, il suffit de la regarder pour savoir qu’elle est une modificatrice. Et fier de l’être. C’est bien ma chance d’être trouvée par quelque chose de non-humain. Franchement, j’ai dû être le pire gangster de ma génération dans ma vie précédente, j’ai que des misères. Mon karma a toujours été dans le négatif. Impossible autrement. Et tient, au plus je me détends, au moins vite mon cœur bats, au plus j’ai envie de prendre les jambes à mon cou.

La vie m’était cruelle. Longtemps, j’avais été victime de quiconque le souhaitait. Souvent, le plus grand danger dans une maison d’accueil n’était pas les autres enfants s’y trouvant. Mais les adultes. Ceux qui devaient prendre le rôle des parents. Tu parles. Alors, quand je suis devenue un gigantesque loup, j’aurais pu être heureuse. Personne ne pourrait plus me faire du mal. Personne. Et pourtant, cette transformation était pire qu’une gifle, un coup bas de la vie. J’aurais bien pu pleurer pendant des heures à cause de tout cela. Si je pouvais pleurer. Ça ne me dérangeais pas que l’autre jeune femme semblait me détailler du regard. Pourquoi, c’était là une chose que j’ignorais. Mais je ne la quittai pas du regard. Qui sait, elle voulait peut-être m’attaquer quand je m’y attendais le moins. Et franchement, je ne sais pas comment je devrais me défendre. Si j’hurle, ici, au milieu de nulle part, personne ne m’entendrais. Et puis, courir, c’est une option. Mais pour le même prix, la jeune femme en face de moi est la reine de la course. Fainéante, je ne suis pas le genre à me crever de la sorte. Donc, on en revient à la seule option possible. Si elle m’attaque, je lui propose du fric. Oui, je n’en ai pas. Mais ça, elle l’ignore. Et j’espère franchement que de l’argent l’intéresserait.. Sinon, j’étais vraiment mal barré. C’est amusant, elle fait comme moi précédemment. Elle s’approche du vide, alors que c’est dangereux. Mais je suppose qu’elle doit bien s’en moquer, du danger.

« Ce que vous êtes. »

Allez savoir pourquoi, je suis pétrifié sur place. Comme si elle vient de me donner une gifle. Je n’ai pas froid, c’est devenu difficile d’avoir froid avec la température corporelle que j’ai. C’est une des seules choses positive à tout cela. À part le fait que je sais me défendre, que je ne souffre pratiquement pas.. Ou pas longtemps. Je n’ai jamais froid. J’ai toujours faim, mais jamais froid. Je ne mange pas assez pour entretenir cette température élevée. Mais je n’ai rien demandé. Et avant d’avoir les moyens de me payer de quoi manger, je serais anorexique. La jeune femme était revenue sur ses pas, alors qu’elle me présenta sa main.

« Leah. Leah Clearwater. Et vous ? »

Elle avait un nom assez sympathique. Si son nom avait été Roxanne, je me serais plus inquiétée. Cependant, mon regard se posa quelques secondes sur sa main. Je n’aimais pas les contacte physique, sauf si j’avais bien bu ou si j’avais pris de la drogue. Sinon, la simple idée me terrorisait. Et le fait qu’elle n’était pas humaine n’aidait pas. C’était stupide, avoir peur de serrer une main. Ce n’était peut-être pas autant de la peur. C’était une femme. La pire chose qu’elle pouvait me faire s’était me tuer. Et c’est tout. Elle va finir par mal le prendre. Quoique. La peur se lit un court instant sur mon visage, alors que je plonge mon regard dans le sien. Elle a fait l’effort de m’offrir un tout petit sourire, je décide d’en faire de même. Bien que mes paroles n’accompagnent pas vraiment ce sourire.

« Jesse Vawren. Et pour l’information, je suis humaine. Et non la même chose que vous. »

Quand elle m’avait dit être ce que j’étais, j’avais facilement compris et entendu la fierté dans sa phrase. Je n’aimais pas ça. Pas du tout même. D’accord, il y a avait des avantages. Mais quelqu’un m’avait dit que tant que je ne me transformais jamais en loup, je redevenais humaine. Visiblement, cette personne m’avait raconté des mensonges.

« Voyez vous ça. »

Je me demande ce qu’elle ferait, si je lui en colle une. Mon visage reste ferme, sans nulle expression. Mais à l’intérieur, je bouillonne. De quel droit rit-elle ? Elle ne le fait peut-être pas par méchanceté, mais c’est ainsi que je le perçois. Elle veut se moquer parce que je n’accepte pas ma seconde nature ? Et puis quoi encore. Mes mains tremble légèrement, alors que je n’accepte que très vaguement un tel traitement. Pourquoi c’est elle qui rit, d’abord ? Elle est un gros sac à puces. Si ça l’enchante, et bien, qu’elle le reste et qu’elle me fiche la paix. J’ai les poings serrés, énervé par son audace. Cependant, je reste assise et ne montre pas ma colère. À quoi bon, je pari qu’elle peut me mettre à terre en dix seconde. Ou qu’elle s’en croit capable, madame la moqueuse.

« Puis-je savoir ce que tu fais dans les contrées pluvieuses de Forks ? »

Elle va me faire la discussion. J’avais espéré qu’elle me fiche la paix, c’est raté. Madame s’installe confortablement et me fait la discussion. Quoi, elle veut encore rire de moi ? Je suis venue pour pouvoir chasser mes semblables! Si je lui réponds ça, elle va me regarder bizarrement. L’idée me tente, pourtant. Je ne pu m’empêcher de plisser un court instant les yeux. C’est à peine un interrogatoire à ce niveau. Elle est flic ? Je ne crois pas. Mais je ne peux pas lui donner tort. Il ferait beau, il y aurait du soleil, au pire, je suis une touriste. Mais pour venir ici, ce n’est certainement pas en tant que touriste. Sauf si on aime la pluie. Mais en revenant au sujet d’actualité, j’ai peur qu’elle ne soit pas seule. Donc oui, me tenir à la vérité serait la meilleure chose à faire.

« Je vais où les services sociaux m’envoient. »

À mon plus grand damne. En même temps, je n’avais pas à réclamer. Ils auraient pu me foutre une nouvelle fois dans une nouvelle maison d’accueil. Dieu seul sait sur qui je serais tombé. J’avais eu ma dose des ignobles personnes qui accueillaient les enfants. Tout ce qui leurs intéressait, c’était l’argent sur leur compte à la fin du mois pour héberger des enfants. Le reste, ils n’en avaient rien à faire. Ni hier, ni aujourd’hui. Et ça, c’était quand on était chanceux. Les miracles existaient pourtant, il y avait des maisons d’accueil très convenable. Mais l’inverse n’était que vérité cruelle.

« Et toi ? Tu vis ici ? »

Elle m’avait tutoyé, j’en fais de même. J’ai l’impression que je me fais passer pour plus bête que je ne le suis. Pourquoi donc m’accoster de la sorte si elle n’était pas en quelque sorte chez elle ? Je sais qu’il y a une sorte de tribu d’indiens dans le coin. Et je sais aussi que me les imaginer dans des tentes est assez amusant. Elle ne pouvait être qu’indienne. Sauf si elle passe sa vie sous un banc solaire. Mais là encore, je crois que je vais chercher les choses trop loin. On en revient donc à sa peau bien bronzé. Même si c’est dû à ses origines, -et non par le soleil-, je n’en reste pas moins jalouse. Son teint n’était pas trop foncé, ni trop clair. Ce qui la rendait magnifique. Je me demande à quoi elle ressemble, une fois transformé en louve. Mais à peine la pensée me vient en esprit que je change de sujet. Être curieuse quant à cela me rendait mal à l’aise. Il n’y avait rien de mal à vouloir rester humaine. Le jour où je voudrais être un loup, j’en rediscuterais avec ma conscience.

Il semblerait que j’étonne les gens à longueur de journée. Effectivement, Leah ne devait pas s’attendre à ce que je lui pose une question quelconque. Ou fasse la discussion, en court. Après tout, ça devait bien se voir que je n’avais nulle envie d’être ici, en présence d’une modificatrice. D’ailleurs, que pensait-elle de moi ? Me croyait-elle stupide pour renier ma nature ? Pour moi, c’était un fait. J’avais l’impression que d’autres modificateurs avaient été préparés toute leur vie à un tel changement. Tout ce dont j'avais eu droit, c’était des pattes ensanglanté et un miroir pour me faire comprendre comment j’en étais arrivé là. C’était plutôt étrange. Parfois, je croyais ressentir des remords quant à mes actions. Mais d’autres fois, je me disais que c’était bien comme ça. Et puis, ce n’est pas comme si j’ai intentionnellement bouffé quelqu’un. Quoique, l’idée de dévorer quelque chose en forme lupine me répugnait au plus haut point. Beurk. Ce n’est pas pour rien qu’on avait inventé la nourriture humaine, non ?

« Oui, à quelques kilomètres. Ma réserve s'appelle la Push. »

La Push était une réserve indienne. Malheureusement, je n’avais appris cela qu’en emménagent ici. Je m’étais d’abord dit qu’il n’y avait rien de mal à avoir une réserve d’indiens près de chez soi. Tu parles, c’était devenu mon pire cauchemar. Je n’étais pas sourde. Et parfois, je me promenais dans les bois. J’avais toujours cette envie insupportable de courir. Encore et encore. Le seul moyen de calmer cette envie c’était de me retrouver dans les bois. Et c’est comme ça que je suis un jour tombé sur un gigantesque loup. Bref, un autre modificateur. Même si je crois qu’il, -ou elle-, a dû me prendre pour une folle. Si je me rappelle bien, je suis partie à toute vitesse en hurlant. Oui, j’ai vraiment eu l’air stupide.

« Je ne veux pas spécialement te déranger, chacun ses lois et ses conditions. Au plaisir. »

Cette jeune femme a un don pour me sortir de mes pensées. Je la regarde partir, enfin. Cependant, alors que je m’apprête à la saluer à mon tour, ma voix semble s’être évaporée dans les airs. Ais-je vraiment envie de me retrouver seule, une nouvelle fois ? Qui sait ce qu’il y avait d’autres dans ses bois. Je me sentais presque en sécurité avec Leah. Et puis, pourquoi ma curiosité est elle aussi grande, par moment ? Vraiment, je n’en ai rien à faire des modificateurs. Rien à faire de ce que je suis. Alors pourquoi je n’arrive pas à sauter de joie à l’idée de me retrouver seule ? Parce qu’à la fin, j’étais toujours seule. La constatation assez effrayante qui me tapait toujours à l’œil. Je voulais être en présence d’autrui. Toujours. Ou avec des gens qui pourraient comprendre. Mais il n’y avait rien à comprendre. J’étais une humaine, ou modificatrice, mais dans les deux cas, je déniais ma vraie nature pour un mensonge crée de toute main. Leah ne me semblait pas avoir ce problème. Loin de là. Maudite curiosité, maudite solitude.

« Attends ! »

D’un bon, je me retrouve au sol. Avec la malheureuse vue de mes basquettes blanches.. qui n’étaient plus blanches. Ah, et dire que je les aimais bien, ces basquettes. Revenons-en au sujet d’actualité, où je n’ai plus rien à dire. Mon regard se pose sur Leah, alors que je me retrouve à court de mots. Attends ? Mais pourquoi, je lui dis quoi maintenant ? Mon dieu, j’ai l’art de me faire passer pour une idiote, c’est pas possible.

« Tu ne me déranges pas. »

Je ne suis pas du genre timide, mais je ne suis pas non plus du genre à faire la conversation. Au plus je me convaincs être humaine, au plus j’ai du mal à comprendre mes actions, mes sentiments ou encore mes propres paroles. Je passe ma main dans mes cheveux, un peu gênée. Je ne suis pas faite pour suivre ma curiosité.

« Je peux venir avec toi ? »

Je ne sais pas où, mais ça ne me tuera point.

Je crois que je viens d’étonner la galerie. Autant la jeune femme en face de moi que.. Eh bien moi-même. Mais qu’est-ce qui me prend ? Franchement ! C’est sans doute la faute de ma vraie nature. Je me sens aussi seule qu’un caribou égaré. Même entouré d’humains, j’ai parfois l’impression qu’il y a de meilleurs endroits où trainer. C’est peut-être parce qu’au fond, j’ai ai marre de devoir contrôler tous mes faits et geste. En présence d’humains, je dois faire attention de ne pas me mettre en colère. Mais alors vraiment en colère. Mais le pire, c’est qu’il y a parfois ces horribles odeurs de cadavres. Alors qu’au début j’ai cru aux zombies, -pourquoi pas hein-, j’ai vite rencontré un être humain aux yeux rouge. Tu parles d’un être humain. Ma seule véritable rencontre avec un vampire m’a presque coûté ma peau. Depuis, je préfère les éviter comme la peste. Malheureusement, c’est parfois eux qui viennent à moi. Je suppose que comme dans les contes de fées, les loups garous et les vampires ne savent pas se voir.

Et moi, têtue comme une mule, je refuse toute transformation. Quoique, depuis que j’ai compris que ça pourrait me sauver la vie, je n’hésite pas. Mais après, je m’en veux à mort et je ne mange rien pendant deux jours. On s’étonne que je n’accepte pas ma nature. Oh oh.

« Tu accepterais de me parler du pourquoi du comment de ta situation ? »

Leah avait d’abord eu un air étonnée, pour ensuite arboré un air perplexe. Je ne voyais vraiment pas pourquoi. Oh, à moins qu’elle allait chez elle. Mais en même temps, je paris qu’il devait y en avoir d’autres. Et qu’est-ce que je pourrais faire de mal, hein ? Oui, je pourrais effrayer un petit jack Russel s’il y en a un. Ou je pourrais hurler de terreur au premier grand loup que je vois apparaître. Tu m’étonnes qu’elle hésite.

« Parce que ça m'intrigue vraiment. »

Éh bien, ça l’intriguait peut-être, mais entre nous, ce n’étaient nullement ses affaires. Mes pensées s’entre mêlèrent à l’idée de devoir révéler quelque chose à une parfaite inconnue. J’aurais dû me taire.

Je ne la quittais pas du regard, car à mes yeux, elle était ce qu’il pouvait y avoir de plus dangereux dans cette forêt pour l’instant. Qu’elle soit amicale ou non. Car sans oublier de le préciser, ma colocataire de kot était elle aussi une modificatrice. Qui s’attaquait aux humains. Je ne pu empêcher un léger frisson en m’imaginant la scène. D’accord, certains humains méritent des morts pénibles. Mais que faire des innocents ? Pourtant, il ne me semblait pas avoir ce genre de modificatrice devant moi. Elle n’avait pas une lueur.. Comment dire, sadique dans les yeux ? Elle semblait pourtant avoir un caractère bien à elle. Et en même temps, j’eu l’impression qu’elle comprenne ma situation. Avait-elle été dans la même ? Il y avait aussi quelque chose d’autre, mais je ne pourrais d’écrire quoi. J’avais toujours eu l’art de retrouver la souffrance des autres, semblable à celle que j’avais vécu ou non. C’était comme avec les enfants des maisons d’accueil. Quand on arrivait quelque part, il y avait des enfants qui, dès le premier regard, savaient. Savaient pour la souffrance endurée, les abus acceptés. Une petite fille m’avait d’ailleurs un jour dit, on reconnait facilement ses semblables, quand on a vécu l’enfer.

En repensant à de telles choses, j’avais envie d’accepter ma vraie nature et de faire des carnages. Mais il faut se concentrer sur les bonnes choses de la vie, non ? Soupirant, je croisai les bras, vidant mon sac comme on dit si bien.

« Il n’y a vraiment rien à redire. Je préfère être humaine. J’ai été élevée entouré d’humains, ma première transformation a été un cauchemar. Et c’est sans doute en sachant ce qui m’attendait qu’on m’a lâchement abandonnée. »

Ah, il y avait tant de possibilité quant à son abandon. C’est vrai, sa mère ‘n’avait peut-être pas les moyens, ou elle était morte lors de l’accouchement et son père ne pouvant l’élever seule l’aurait laissé là, devant cet hôpital.

« J’aurais peut-être trouvé ça cool, en d’autres circonstances. »