Ploc. Ploc. L’odeur du sang de ma victime, accompagné de ma soif, m’oblige à me nourrir, plus vite, plus férocement, comme un animal qui n’a pas mangé depuis une semaine. Voilà à quoi je ressemble ces temps-ci, à un animal qui n’obéit qu’à la faim insaisissable qui l’envahit chaque jour du matin au soir, comme si ça faisais trop longtemps que ses dents n’avaient pas frôlé de chair. Je sens et j’entends le dernier souffle de ma victime et quelques secondes plus tard celle-ci tombe à terre, ses yeux écarquillés comme si elle avait vu la mort elle-même. J’essuie rageusement ma bouche et pousse un long soupire. Je suis à peu près rassasiée, du moins pour l’heure. Le soleil est encore loin de se lever alors il me reste du temps, beaucoup de temps. Histoire de trouver encore deux trois proies à l’odeur du sang salie, histoire d’achever leur souffrance, peut-être avant même qu’ils se soient rendus compte qu’ils étaient au crépuscule de leur vie. Je sors de la forêt d’un pas lent, réajuste ma jupe et me met en route pour le centre-ville. Quelques petites boutiques aux lampes qui grésillent sont encore ouvertes, rien de bien important. Un ou deux épiciers, un tatoueur qui n’a pas fini son travail et qui fait encore hurler quelqu’un dont quelques petites gouttes de sang s’échappent de la plaie que laisse l’aiguille derrière elle. Celles-ci avivent mes sens. Je ferme les yeux et respire lentement pour calmer ma soif qui commence à irriguer à nouveau mes nerfs qui se tendent. Ma bouche devient immédiatement sèche et pâteuse. Encore quelques pas et je tourne dans une ruelle sombre. Une jeune femme est assise contre le mur et pleure. Pauvre d’elle. Je m’avance en fronçant les sourcils d’un air intrigué avant de lui demander ce qu’elle a. Elle est enceinte et le père ne veut pas de l’enfant. Quel gâchis. Deux pour le prix d’un. Je lui fais un sourire qui se veut rassurant. Elle me sourit aussi timidement et j’enfouis ma tête dans son cou avant de l’entendre se débattre en me demandant ce que je faisais. Un hurlement s’échappe lorsque mes crocs se plantent dans sa carotide, hurlement que j’étouffe en mettant ma main sur sa bouche. Le sang envahit ma bouche alors que je ferme les yeux, profitant de cette nouvelle délivrance. La jeune femme se calme petit à petit, comprenant qu’elle ne peut rien contre mon emprise. Son souffle diminue jusqu’à devenir quasi-imperceptible, dont seul une oreille surnaturelle peut l’entendre frôler ses narines. Il diminue encore et finit par disparaitre alors que je me détache. Une goutte de sang glisse le long de mon menton. Je regarde l’horizon qui commence de briller avant de sortir prestement de la rue et de me rendre chez moi le plus rapidement possible. J’arrive devant mon miroir et me regarde. Le sang a séché. J’enlève mes vêtements et allumes l’eau. Je n’en ai pas besoin mais ça me détend. Sentir l’eau chaude couler sur ma peau me permet de penser à autre chose et de quitter mon corps. Juste un instant.