Vous rappelez-vous les histoires que l'on vous racontait lorsque vous étiez gamin ? Au coin d'un feu de cheminé, bien installé dans un fauteuil sur les genoux d'un de vos parents... Moi, oui. Parmi tous les récits et les contes pour enfants imaginables, il y en avait un qui revenait souvent - ou plutôt que je réclamais souvent. Non pas qu'il s'agissait de quelque chose de connu ou plaisant - et encore moins d'une histoire très heureuse - ma mère m'avait beaucoup raconté, quasiment au détail près, le jour de ma naissance.

C'était une fin après-midi d'hiver, glaciale et enneigée, un peu plus qu'à l'accoutumé pour New York. A quelque semaines des fêtes, Noël occupait déjà un bon nombres d'esprits. Mais cela était différent pour certain - certaine dans notre cas - puisque les cadeaux allaient arriver un peu en avance...
De nombreuses heures de douloureuse bataille avaient commencées, je ne voulais pas sortir, non j’étais trop bien là ou je me trouvais, et je refusais catégoriquement de quitter mon petit nid douillet dans lequel j’avais la tranquillité et la paix. Mais je devais y renoncer, j’étais impuissante face à cette force qui tentait de m’éjecter vers l’extérieur. « Laissez moi y retourner, je veux y retourner ! » du moins était-ce là la signification des premiers pleurs que j’avais poussé dans ce monde. C'était donc après neuf mois interminables, bien au chaud et bercée dans les eaux maternelles au rythme des valses et des chevauchées, que ma mère donnait naissance à une merveilleuse petite fille.
C'est dans les bras d'une femme à bout de force et exténuée que l'on confia un petit être innocent, au visage angélique. Après un sourire, puis un autre - il lui était difficile de ne pas retenir sa joie et ses larmes - et croisé le regard de son mari, c'est faiblement que le prénom « Ëlseann » avait été prononcé. Plutôt hors du commun, Ëlseann Juliet Hellington, cela sonnait bien à l'oreille des deux jeunes parents, c'était simplement parfait. Quant à « Juliet » c'était un prénom assez symbolique, puisqu'il fut celui que ma soeur aînée aurait du porter si elle avait vu le jour. En sachant ce qu'il signifiait pour mes parents, il m'arrive parfois d'avoir du mal à l'assumer, et même de m'en vouloir... mais bon, je ne l'ai pas choisi.

Mon enfance, je l'ai passé en Allemagne, à Berlin plus exactement. Ma mère était originaire d'ici, mais elle avait tenu à accoucher aux Etats-Unis, auprès de mon père - homme d'affaire américain et souvent en déplacement. Quelques jours après ma naissance, c'était donc à contre coeur qu'elle dût rentrer en Europe, seule avec sa fille.
Pour le peu que je me souvienne, je n'étais pas une enfant difficile, j'étais plutôt sage et bien élevée. Bien que toute seule, ma mère avait réussi à m'élever de la meilleure des façons - même si parfois ce fût dur pour elle par moment, car il y avait toujours et éternellement ce manque de père. Il est vrai qu'elle avait mit un point d'honneur en ce qu'il s'agit de mon éducation en m'apprenant très tôt les bases du savoir vivre et en m'enseignant les valeurs morales qui lui étaient chères. Polie et serviable - adoptant déjà une attitude exemplaire, noble et irréprochable - j'étais en quelque sorte la petite fille modèle aux yeux de tous.
Je ne parle même pas de ma scolarité, où j'excellais pratiquement dans tous les domaines. Mon avenir était tout tracé, la totalité des portes m'étaient ouvertes. J'étais la fierté d'une famille de classe moyenne qui avait réussit à s'en sortir, malgré les dures épreuves de la vie - à noter que je n'inclus pas mon père qui n'a jamais levé le petit doigt pour nous aider bien qu'il aurait pu nous mettre à l'abri de tout besoin.

J'en viendrais presque à regretter cette époque, lorsque tout allait bien dans le meilleur des mondes. Parce que tout avait basculé depuis ce jour là...
Je ne sais pas vraiment à qui je dois en vouloir. Etait-ce la faute à cet ivrogne, qui fut à peine conscient au volant de son véhicule ? De ma mère, qui a décroché ce putain de téléphone ? Ou était-ce la faute de l'idiote rebelle gamine de douze ans que j'étais qui avait appelé sa mère - tout en sachant que celle-ci conduisait - pour lui demander de lui ramener un menu McDo ? En quelque sorte, je fut témoin de l'accident mortel qui chamboula du tout au tout ma paisible existence.
Dès lors, je m'étais un peu renfermée sur moi-même, devenue un peu plus distante de ce qui m’entourait. Même mon propre paternel semblait ne plus avoir d'importance à mes yeux, j'étais devenue glaciale et indifférente. La présence des gens m'insupportait plus qu'autre chose, je préférais être seule. Surtout depuis que j'ai du quitter tout ce que j'avais en Allemagne (l'ensemble de toutes mes attaches...), pour m'aventurer dans le Massachusetts, sous la garde d'un homme que je connaissais à peine. La situation n'évolua pas pendant de nombreuses années.

Du moins, jusqu'à mon arrivée à Forks, là où m'avait envoyé mon père. Il y possédait une petite maison.
C'était un nouveau commencement...