Ma main éloigna paresseusement le rideau de ma chambre. Comme à quoi je m'attendais, le soleil était sombrement dissimulé entre d'épais nuages noirs, ce qui faisait mon bonheur car je n'avais aucune envie de me transformer en diamant ambulant. Le temps peu ensoleillé était ce qui faisait de Forks une ville adaptée à un vampire. Je comprenais mieux pourquoi ce petit patelin attirait autant de créatures de nuit. Là, on était tranquille, vivait à son aise loin des regards trop indiscrets car personne ne prêtait grande attention aux agissements de l'autre. Cela me correspondait parfaitement vu que j'étais habitué à mon éternelle solitude, n'acceptant que peu de personnes dans mon entourage et refusant surtout d'être la cible de regards curieux ou de racontars lassants.

Ravi par le temps qui planait sur la ville, je me décidai de quitter mon sinistre foyer pour me balader un peu. La montre à mon poignet affichait quinze heures trente. La plupart des jeunes devaient être au lycée, j'aurais tout le répit pour profiter de la quiétude qui régnait dans les ruelles. Mon calepin sous le bras, emmitouflé dans une veste de cuir qui me permettait généralement de me fondre dans la masse, j'entrepris ma promenade, sans vraiment savoir où j'allais. Rêveur à mon habitude, j'accélérai mes pas, ma longue écharpe volant derrière moi. Bien sûr, mes pensées inculpaient mon présent et mon avenir. Destiné à vivre pour l'éternité, il m'était conseillé de ne pas m'attarder sur mon passé pour éviter que mes anciennes blessures resurgissent. Avec le temps, j'acquis la compétence de jeter un regard externe à mes souvenirs pour mieux les analyser. Je n'y manquais jamais pour quelques passages de ma vie. Cependant, j'évitai soigneusement de repenser aux Vanderwood car j'en ressortais le plus souvent meurtris.

Mais c'était bien vers eux que mes pensées se tournèrent lorsque j'atteignis le cimetière. Ils devaient être six pieds sur terre au moment où je déambulai calmement, profitant de toutes mes fonctions et ma raison. Naturellement, une flèche se planta de mon coeur, la culpabilité me rongeant de nouveau. J'essayai d'éloigner ces sinistres pensées, me concentrant sur mes sens. Ma main effleura la rugueuse surface d'une pierre tombale, j'humai l'air avec délice, content d'être en vie, malgré tout. Mon regard finit par se voiler de doute lorsque je sentis la présence d'un des miens dans les parages. Qui s'intéresserait à un vampire comme moi n'ayant rien de mieux à faire que de traîner partout et nulle part ? Je n'étais même assez connu pour présenter un potentiel ami ou adversaire. Je ne me formalisai donc guère de cette proximité et repris ma marche, tranquillement.